Élaborer des corps de connaissances à l’échelle de l’Afrique
En 2008, l’ACC (African Centre for Cities) a lancé ce qui deviendrait son premier projet de recherche basé au Cap, à savoir le programme des CityLabs. Dès le départ, l’objectif des CityLabs consistait à traiter les enjeux urbains grâce à la coproduction de connaissances. Dix ans plus tard, cette approche est actuellement transposée à l’échelle continentale avec le concours de l’IARU (Initiative Africaine de Recherche Urbaine).
« Les villes d’Afrique se distinguent généralement par leur complexité et leur caractère multidimensionnel », a expliqué le Dr Warren Smit, coordinateur du programme des CityLabs. « Un grand nombre de théories et de recherches urbaines existantes se fondent sur des villes de l’hémisphère Nord et, par conséquent, ne peuvent pas s’appliquer à l’hémisphère Sud.
« C’est pourquoi la coproduction de connaissances qui sont pertinentes vis-à-vis de nos contextes urbains locaux et qui apportent un éclairage global et nuancé sur les villes africaines et leurs défis est un travail indispensable. »
« Un grand nombre de théories et de recherches urbaines existantes se fondent sur des villes de l’hémisphère Nord et, par conséquent, ne peuvent pas s’appliquer à l’hémisphère Sud. »
Ntombini Marrengane, coordinatrice de l’Initiative Africaine de Recherche Urbaine (IARU), abonde dans ce sens. « Si l’on ne crée pas rapidement un réseau actif et durable d’établissements dédiés au savoir et dont le travail porte sur le renforcement des capacités et les recherches urbaines appliquées, la plupart des villes d’Afrique ne pourront pas comprendre leurs dynamiques de développement urbain, et encore moins les traiter avec efficacité », a-t-elle précisé.
« Avec l’IARU, nous exploitons les enseignements tirés des CityLabs concernant la valeur de la coproduction de connaissances. En outre, nous nous efforçons de promouvoir les savoir-faire locaux grâce au réseautage et au renforcement des capacités. »
Composer avec l’informalité
Les CityLabs permettent de réunir des chercheurs universitaires et des professionnels issus des pouvoirs publics, du secteur privé et de la société civile en vue de discuter des principaux enjeux qui émergent dans la ville du Cap. Au total, on dénombre neuf CityLabs, chacun conduit par un chercheur, dont la durée d’activité oscille généralement entre trois et cinq ans.
Certains CityLabs ont orienté leurs efforts vers la création conjointe de nouvelles politiques, tandis que d’autres se concentrent essentiellement sur les travaux de recherche. D’après Warren Smit, la majorité d’entre eux traitent des enjeux liés à l’informalité : « Les résidents des établissements informels sont confrontés à de nombreux défis au quotidien (ex. : se protéger des éléments, accéder aux denrées alimentaires et les stocker, ainsi que la menace criminelle et les risques de violence).
« Bon nombre de CityLabs ont posé la question suivante : “Comment peut-on transformer la ville grâce à des interventions dans l’environnement bâti, comme la réhabilitation des établissements informels ou des stratégies visant à fournir des logements abordables dans des endroits bien situés ?”, a indiqué Warren Smit.
Il fournit un exemple illustrant l’incidence concrète des CityLabs : « Par exemple, le CityLab dédié à la violence urbaine, à la sécurité et à l’inclusion a abouti au pilotage d’un programme de formation destiné aux représentants officiels du gouvernement et à d’autres professionnels sur le thème de la réhabilitation des établissements informels. »
Élargissement à l’échelle continentale
L’IARU (Initiative Africaine de Recherche Urbaine) est un réseau de recherche appliquée interdisciplinaire. Elle se compose de membres bénévoles et réunit des organisations non gouvernementales, des universités, des groupes de réflexion et des organismes de recherche. Elle compte actuellement 18 centres dans 14 pays d’Afrique.
« Avec l’IARU, nous exploitons les enseignements tirés des CityLabs concernant la valeur de la coproduction de connaissances. En outre, nous nous efforçons de promouvoir les savoir-faire locaux grâce au réseautage et au renforcement des capacités. »
« Le projet IARU est né en 2013 à l’occasion d’un atelier organisé à Addis-Abeba qui a réuni un certain nombre de centres africains dédiés à la recherche urbaine. Les participants ont décidé de créer l’IARU sous la forme d’un réseau réunissant des établissements crédibles et résilients ancrés dans les réalités locales, mais traitant aussi des tendances plus vastes », a expliqué Ntombini Marrengane.
Ntombini Marrengane
D’après ses dires, même si les chercheurs IARU sont issus de divers secteurs (architecture, planification urbaine, géographie, sociologie), l’accent est actuellement mis sur les interventions dans l’environnement bâti. Plus tôt cette année, la sixième conférence de l’IARU sur les politiques a permis de rassembler des chercheurs urbains de toute l’Afrique dans le but de discuter des inégalités spatiales, mais également de promouvoir un agenda de recherche comparative pour les villes africaines.
Ntombini Marrengane espère que dans les années à venir, l’IARU parviendra à étendre aussi bien son réseau que l’objectif de ses recherches. « J’espère que l’IARU parvient à refléter une diversité encore plus vaste des contextes urbains — des grandes métropoles aux villes plus petites — le tout dans le cadre d’un réseau durable et cohérent dédié aux connaissances », a-t-elle déclaré.
Cet article a été publié pour la première fois dans Umthombo, un magazine qui propose des articles sur les recherches menées par les différentes facultés de l’Université du Cap.